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Être sage-femme, la passion d’une vie

Il y a trois ans, Massalou Tchonda, sage-femme à la Polyclinique de Tsévié à 35 km de Lomé, la capitale du Togo, a reçu une patiente qui attendait des jumeaux. « Après la naissance du premier bébé, le deuxième semblait être bloqué par le placenta et j’étais convaincue que la patiente ne pourrait pas accoucher d’elle-même », explique-t-elle. Alors qu’elle se hâtait pour effectuer les procédures d’évacuation d’urgence, soudain elle aperçut la tête du deuxième bébé se présenter et en quelques secondes, il est venu au monde.  « C’était ma meilleure expérience ! » se souvient Massalou. 

Les sage-femmes jouent un rôle essentiel dans la promotion de la santé et la prestation de soins primaires et communautaires. Elles fournissent des soins dans les situations d’urgence et jouent un rôle majeur dans la concrétisation de la couverture sanitaire universelle. Ainsi, la Journée internationale de la sage-femme, célébrée le 5 mai, met en avant l’importance du rôle des sage-femmes pour la santé des mères, des enfants et de leurs familles. 

Massalou, âgée de 52 ans, exerce la profession de sage-femme depuis 24 ans. Son métier s’est naturellement imposé à elle. « Depuis toute jeune, j’admirais les sage-femmes. Je considérais qu’il n’était pas donné à tout le monde de faire naître un enfant. Alors dès que l’opportunité s’est présentée, je l’ai saisie et j’ai passé le Concours d’entrée à l’école nationale des sage-femmes, afin de suivre la formation requise. » 

Depuis le début de sa carrière, Massalou a été déployée dans différentes régions du Togo, où elle a mis ses compétences au service des mères et de leurs enfants. Plus de deux décennies après avoir commencé, elle admet n’avoir jamais pris le temps de dénombrer le nombre de bébés nés de ses mains. « Ils doivent se compter dans les milliers aujourd’hui. Mais jusqu’à ce jour, chaque naissance est unique pour moi ».

Aux dires de Massalou, les joies du métier de sage-femmes sont nombreuses. « Je reçois en moyenne 240 femmes chaque semaine, dont 20 viennent pour accoucher. Je ressens une joie immense lorsque j’entends le cri d’un nouveau-né. Être la première personne à accueillir cet enfant dans ce monde, entendre son cri de vie, voir le sourire de sa mère qui quelques instants plus tôt était en souffrance, tout cela est gratifiant à plus d’un titre. » 

Tout au long de sa carrière, elle a observé que le métier de sage-femme a beaucoup évolué et plus de responsabilités sont conférées aux sage-femmes. « La sage-femme est plus impliquée dans la prise en charge de la mère et de l’enfant lors de l’accouchement. Par exemple elle peut maintenant procéder à la réanimation des bébés, pratiquer les sutures sur les mères lorsque les cas se présentent, etc. Avec les équipements modernes, la sage-femme est formée pour réagir vite et bien ! »

Mais tout n’est pas rose. « Notre travail touche à la vie d’autres personnes : s’il est bien fait, la personne s’en sort bien, mais une erreur de notre part peut entraîner des séquelles à vie qui n’impactent pas seulement une personne, mais toute une famille, toute une communauté. » 

Plusieurs défis persistent dans le métier. Il s’agit notamment du manque d’équipements et de matériels de prise en charge et du désavantage que subissent les patientes aux moyens financiers limités. « Être sage-femme, cela n’implique pas de simplement accompagner les femmes du début de leur grossesse jusqu’à l’accouchement. Être sage-femme, c’est jouer de multiples rôles connexes, surtout dans les zones avec moins de personnel médical. Nous sommes appelées à être aussi nutritionnistes, pédiatres, psychologues. Souvent, je mets la main à la poche dans les cas où les patientes sont démunies au point de ne pas avoir les nécessités de base. »

Parmi les difficultés qu’elle relève figure le regard négatif porté sur les sage-femmes ces dernières années : « Avant, la sage-femme était plus respectée. A présent beaucoup de personnes ont des préjugés à cause de l’action d’un petit nombre de personnes. La sage-femme n’est plus estimée et considérée de la même manière », s’attriste-t-elle. Evoquant l’expérience négative que vivent certaines femmes lors de l’accouchement, Massalou dit regretter cet état de fait : « Être sage-femme est une noble profession qui est malheureusement entachée par ces expériences négatives. Je vois cela à travers les patientes et familles qui viennent à nous. Beaucoup arrivent sur la défensive, les femmes sont crispées et craignent souvent de recevoir de mauvais traitements. » 

Au vu de cette situation, Massalou veille à prodiguer des conseils aux jeunes qui aspirent à exercer le métier : « J’encourage les jeunes à suivre ce chemin, mais de le faire avec le cœur. En priorisant l’argent, on ne peut pas devenir une bonne sage-femme. » C’est cette vocation qu’elle transmet aux étudiantes qui viennent en stage dans son service. « Dans notre métier, une petite erreur peut coûter des vies. Si vous venez par intérêt matériel, votre frustration va rejaillir sur votre travail et les conséquences peuvent être très dangereuses », prévient la sage-femme.

Malgré cela, globalement Massalou ressent une grande satisfaction au quotidien. « C’est une joie immense de voir qu’un bébé est aujourd’hui un homme ou une femme. Je les rencontre souvent mes « bébés », à présent devenus de grands garçons ou de grandes filles ! Ils finissent par me reconnaître, ils sont attentionnés, ils m’appellent « maman ». J’adore ces moments qui donnent tout le sens à mon travail. »

A six ans de la retraite, elle prévoit œuvrer à l’avenir pour soulager les enfants en situation difficile. « Prendre soin des autres est un réel plaisir pour moi. Je souhaite accompagner les enfants qui me sont si chers, au-delà de la naissance, pour leur donner les meilleures chances de réussir leur vie ».

Source : OMS-Togo

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