Journée internationale de la sage-femme 2022 : Message de la Dre Matshidiso Moeti, Directrice régionale de l’OMS pour l’Afrique
La Journée internationale de la sage-femme qui est célébrée le 5 mai de chaque année donne l’occasion de rendre hommage aux sages-femmes pour leur travail et de promouvoir la sensibilisation aux soins essentiels qu’elles offrent aux mères et aux nouveau-nés.
Le thème retenu pour l’édition de année, « 100 ans de progrès », rappelle la création il y a un siècle de la Confédération internationale des sages-femmes (ICM). Il existe actuellement 143 associations de sages-femmes représentant 124 pays dans le monde entier, dont la Confédération africaine des associations de sages-femmes (CONAMA), qui a été créée en 2013.
Les sages-femmes, qui font partie intégrante de la médecine africaine depuis des siècles, sont les dispensatrices de soins de première ligne et les piliers des soins de santé de la mère et de l’enfant sur le continent. En effet, les sages-femmes assistent les femmes enceintes tout au long de la grossesse et jusqu’à l’accouchement, en leur fournissant des soins prénatals, intrapartum et postnatals, ainsi que des services de planification familiale et d’autres services de dépistage du cancer du sein et du cancer du col de l’utérus. Lors des situations d’urgence, les sages-femmes peuvent aussi assurer les soins obstétricaux d’urgence de base.
Selon le rapport 2021 sur l’état de la pratique de sage-femme dans le monde, publié par l’OMS, la Confédération internationale des sages-femmes et le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), la pénurie mondiale de personnel obstétrical atteint le chiffre de 900 000 sages-femmes et elle est particulièrement aiguë en Afrique. Selon des estimations, 75 % des besoins essentiels en soins de santé de la mère et en matière de santé reproductive sont satisfaits par les sages-femmes, mais il est préoccupant de constater que le chiffre comparatif est de 41 % seulement dans la Région africaine de l’OMS.
Les sages-femmes sont au cœur de la prévention des décès de mères et de nouveau-nés et de la prévention des mortinaissances. En investissant suffisamment dans la pratique de sage-femme, le rapport indique que 4,3 millions de vies pourraient être sauvées chaque année d’ici à 2035. Cette constatation revêt une importance particulière pour la Région africaine de l’OMS, qui enregistre chaque année près de 196 000 décès de mères, auxquels s’ajoutent le décès d’un million de nourrissons de moins d’un mois.
Malheureusement, si la tendance actuelle persiste, seuls 300 000 emplois de sages-femmes seront probablement générés dans les pays à faible revenu, et la pénurie de sages-femmes devrait atteindre le chiffre d’un million en 2030. Cette situation a de graves incidences sur l’atteinte de la cible de l’objectif de développement durable qui est de faire passer le taux mondial de mortalité maternelle au-dessous de 70 pour 100 000 décès vivants d’ici à 2030.
On ne saurait sous-estimer la contribution que les sages-femmes doivent apporter à l’atteinte des objectifs de développement durable et à l’instauration de la couverture sanitaire universelle. Depuis des décennies, les sages-femmes renforcent les soins de santé primaires, font office de point d’interconnexion essentiel entre les femmes et le système de santé et rendent la grossesse et l’accouchement à moindre risque et plus sûrs.
Pleinement intégrées dans le système de soins de santé et bénéficiant de l’appui nécessaire, les sages-femmes sont en mesure de mener à bien un large éventail d’interventions cliniques, contribuant ainsi à l’atteinte d’objectifs de santé au sens large. Il s’agit notamment de faire progresser les soins de santé primaires, de promouvoir les droits sexuels et reproductifs, de favoriser les interventions d’autoprise en charge et d’autonomiser les femmes.
Le bilan tragique des décès de mères et d’enfants dans la Région africaine commande que des interventions urgentes soient mises en œuvre pour élargir la couverture des services obstétricaux et néonatals d’urgence et réviser la portée de la pratique dans le contexte d’un meilleur partage des tâches et d’une plus grande délégation des tâches afin de résorber la pénurie de sages-femmes.
À l’OMS dans la Région africaine, nous travaillons en étroite collaboration avec nos États Membres pour améliorer la qualité des soins de santé de la mère et des soins de santé reproductive. Nous soutenons l’élaboration et la mise en œuvre de stratégies nationales visant à accélérer la réduction des maladies et décès évitables de la mère et du nouveau-né et à améliorer l’expérience des soins de chaque mère d’ici à 2030.
Malgré les progrès notables réalisés en Afrique pour réduire les décès évitables liés à la grossesse, à l’accouchement et à la période du post-partum, l’interruption des services rendue nécessaire par la riposte à la COVID-19 n’est que l’un des nombreux problèmes qui perdurent.
Les gouvernements et les partenaires doivent nettement accroître leur investissement dans l’éducation, le recrutement, le déploiement et la protection des sages-femmes pour que les pays africains puissent étendre la couverture et améliorer la qualité des services maternels tout en continuant à riposter efficacement aux situations d’urgence sanitaire.
Pendant la pandémie, les soins obstétricaux ont subi les contrecoups des pratiques restrictives introduites dans les soins maternels et néonatals pour atténuer le risque d’infection croisée. En collaboration avec l’UNICEF et l’UNFPA, l’OMS a élaboré des orientations techniques à l’intention des pays afin d’assurer la continuité des services essentiels de santé sexuelle, reproductive et de santé de la mère, du nouveau-né, de l’enfant et de l’adolescent, tout en protégeant et en soutenant les sages-femmes.
En outre, l’OMS plaide pour l’adoption de politiques de lutte contre le harcèlement sexuel et s’attache à mettre en place un milieu de travail sûr et respectueux pour les sages-femmes comme pour les autres agents de santé.
En cette Journée internationale de la sage-femme, je voudrais exhorter les gouvernements, les institutions universitaires, la société civile et les partenaires à investir dans l’éducation, le recrutement, la réglementation et la protection des sages-femmes. Un investissement destiné à augmenter le nombre de sages-femmes en Afrique contribuera à l’amélioration de la santé, à l’égalité des genres et à une croissance économique inclusive.
Accordons à ces contributeurs essentiels et rentables aux soins maternels de qualité l’attention qu’ils méritent réellement.